HISTOIRE DE LIN : "C'EST UN BEAU ROMAN, C'EST UNE LONGUE HISTOIRE"...

HISTOIRE DE LIN : "C'EST UN BEAU ROMAN, C'EST UNE LONGUE HISTOIRE"...

Parcourez le chemin du lin à travers le temps...

On l’aime depuis la nuit des temps… ou presque ! Sa beauté, évidente, et ses qualités, démontrées, ont déjà convaincu ceux qui nous ont précédés. La preuve : on en trouve trace partout. A tel point que le Lin aurait gagné la réputation d’être le plus vieux textile du monde : des archéologues ont remonté le fil de son histoire jusqu’à 36 000 ans avant J.C en dénichant des fibres de lin dans une grotte de Géorgie. Ce n’est pas rien ! Les indices de son passage, semés par-ci par-là à travers les époques, sont nombreux.

Sur la trace du lin…

Pour les égyptiens, 3 000 ans avant J.C, le lin est un vrai symbole : baptisé  « lumière de lune tissée », sa transparence glorifie le culte du corps qui leur est cher, et le blanc si pur de ce tissu est seul digne d’accompagner l’âme dans l’au-delà. Pureté du lin saluée également par les Hébreux : dans la Genèse, Jacob offre une tunique de lin à son fils préféré Joseph le jour de ses 17 ans… Le livre de l’Exode raconte que le Tabernacle hébreu (lieu de culte) était recouvert d’une grande toile de lin blanc et tendu de dix voiles de lin fin… Parce qu’un voile de lin aurait servi à essuyer le visage du Christ, le Christianisme reprend cette symbolique.

Le lin va attirer de nouveaux adeptes grâce aux Phéniciens, fins limiers et grands navigateurs, qui l’achètent en Egypte et le disséminent, entre le  XII-VIIIe siècle av. J.C, vers tous les horizons du globe : la Grèce, Rome, la Bretagne, l’Angleterre, l’Irlande, l’Espagne jusqu’en Inde et en Chine…

La fibre de lin, quasi imputrescible, est particulièrement robuste : les hommes ont exploité cette qualité en inventant des techniques pour la tisser de façon très serrée. Cette « petite fleur bleue »  est enrôlée pour des usages inattendus : la ville étrusque Tarquinii livre, 500 ans av. J.C, des toiles de lin résistantes aux tempêtes pour le voilage de la flotte romaine ! Les Etrusques en ont même fait des carapaces de combat grâce à des toiles tissées très épaisses et serrées, trempées dans l´huile de lin et durcies par l´oxydation à l´air ! Jules César, autre fameux guerrier, jalouse presque le vêtement si pur des irréductibles druides durant la conquête de la Gaule… Le lin est décidément sur toutes les langues : les rustiques Celtes, qui ne donnent pas dans la dentelle, joue l’efficacité en appelant la région des Flandres où elle fleurit « Bel’ch » : traduisez par « lin ».

Du lin encore dans les métamorphoses du poète latin Ovide : la déesse égyptienne Isis y est nommée déesse du lin : « dea linigera ». Les « linigeri » sont d’ailleurs les prêtres du culte d´Isis dans la Rome antique. A noter que le mot linge vient du latin lineus qui signifie lin…

Mille vertus et mille usages…

Le lin a mille vertus : robuste, on le sait, il sait aussi se faire doux. Thermorégulateur, il séduit les plus grands. L’idée est loin d’être folle lorsque Charlemagne ordonne « que le lin soit filé à la cour et que chaque ménage de France se procure l’outil nécessaire pour le travailler ». On est au 8ème siècle.

Le lin a mille usages : au XIème siècle, il sert de trame à une tapisserie de 70 mètres de long, la Tapisserie de Bayeux, où la reine Mathilde brode les exploits de son conquérant de mari Guillaume. On lui reconnait de même des vertus hygiéniques car il aiderait à la guérison des lésions de la peau, notamment la lèpre… L’hygiène, « propre » à la Renaissance et à son mode de vie plus raffiné donne une nouvelle impulsion à la fibre de lin qu’on tisse finement pour les chemises et les draps. Le lin est définitivement surnommé « Toile des rois » lorsqu’au début du XIIIème siècle, Baptiste, un tisserand du Cambrésis, met au point un procédé de tissage d’une extrême finesse : la « batiste » est immédiatement adoptée pour le linge de table et le linge de corps.

« Solide comme le lin » : cette expression aurait pu naitre au XVIIIème siècle à l’époque où la crinoline, véritable « armure » féminine, est à la mode ! Cette structure, faite en lin et crin de cheval, est maintenue sur des paniers qui donne une ampleur exagérée à la jupe des élégantes. Toutes les chaines de tissus, même le velours, sont réalisées en lin pour renforcer leur solidité. Pari tenu : grâce à cela, on a conservé en très bon état des vêtements, des parures de tables ou des trousseaux de linge… S’il fallait convaincre que le lin n’est pas fragile, voilà qui est fait !

Cocorico !…

Au fil du temps, le lin devient un objet de commerce de grande valeur qui sert à la fabrication des toiles fines de Cambrai, des toiles à voile d’Abbeville, des toiles « Bretagne superfine », des toiles d’Alsace, des dentelles précieuses au point d’Alençon, des réputés fils à coudre de Lille…
Au XIXe siècle, l’industrie du coton produit qui se mécanise fait de l’ombre au lin dont la production et le tissage restent artisanaux. Délaissé au profit du coton et des fibres synthétiques, le lin ne fait pas partie de l’aventure industrielle.

La donne va changer à la fin du XXème qui signe la « rehab » de cette fibre noble et naturelle, solide et écologique. Dans l’air du temps, le lin entièrement biodégradable et recyclable, ne produit aucun déchet et toutes ses parties sont utilisables ou consommables. L’Europe est le premier producteur de lin au monde et la France produit 2/3 de la production mondiale. Cocorico ! Si 90% du lin européen est destiné au marché textile (60% à l’habillement, 15% au linge de maison, 15% à l’ameublement et à l’art de vivre) 10% sont désormais dédié aux débouchés techniques. Le tissu technique de lin dans le domaine de l’industrie, associé à des résines, est à l’origine de produits composites « haute performance » : encadrements de fenêtre (résistance et isolation), équipements de sports, casque de VTT, raquette de tennis (absorption des vibrations), construction automobile avec rétroviseurs et renforts de portes (légèreté et rigidité), éco construction avec panneaux agglomérés, laines d’isolation, sous couches sous parquets, écran de sous toitures pour ses propriétés acoustiques et thermiques.

L'histoire du lin ne date pas d'hier ! Entre tradition et innovation, le lin n’a pas fini d’écrire son histoire...